- GRAMINALES
- GRAMINALESLa famille des Graminées, ou Graminacées, l’une des plus vastes du règne végétal, formant à elle seule l’ordre des Graminales, est sans doute celle qui présente le plus d’importance dans l’économie humaine: en effet, elle fournit une part prépondérante de l’alimentation; à la fois directement – puisqu’elle comprend presque toutes les céréales – et indirectement, par son rôle essentiel dans la nourriture des Mammifères herbivores producteurs de viande.Spontanément, les Graminées constituent l’élément dominant des prairies, steppes et savanes qui couvrent une superficie importante des continents, superficie que l’intervention humaine intentionnelle ou involontaire accroît constamment: en raison des défrichements, déboisements et incendies, les champs de céréales et les pâturages ne cessent de progresser aux dépens des étendues forestières. Cette action, tantôt bénéfique, tantôt néfaste, est menée depuis plus de dix millénaires. L’homme apparaît comme le grand protecteur des Graminées [cf. CÉRÉALES] qui lui rendent d’innombrables services. Une sorte de symbiose s’est ainsi établie entre ces plantes et l’homme, laquelle a contribué considérablement à l’accroissement démographique observé depuis le début des temps historiques et qui pose actuellement de graves problèmes à l’humanité.Les peuplades paléolithiques n’utilisaient les Graminées qu’indirectement, en chassant les animaux herbivores. C’est au début du Néolithique que l’agriculture fit son apparition avec la culture de certaines Graminées sélectionnées. De chasseurs et pêcheurs nomades, les hommes devinrent alors laboureurs sédentaires, obtenant ainsi une sécurité alimentaire qui, jusque-là, leur avait fait défaut.Dès la préhistoire, chacune des grandes races humaines a lié son sort à une céréale principale, souvent adorée comme une divinité tutélaire (le mot «céréales» vient de Cérès, déesse des moissons). La race blanche, dans son ensemble, s’est attachée au blé et, encore aujourd’hui, son aire de peuplement correspond presque exactement à celle de la production du froment et de quelques «céréales secondaires» (orge, seigle). La race jaune et les peuples «bruns» d’Indo-Malaisie ont tiré leur principale nourriture de la culture du riz; les Amérindiens, de celle du maïs; les races noires africaines, du sorgho et du mil. De plus, toutes les races nourissent leur bétail avec les Graminées des prairies et des savanes (les herbes) et les habitants des régions tropicales ont toujours fait usage des bambous et des roseaux pour leurs habitations, leurs outils, leur industrie. Il convient aussi de ne pas oublier le grand rôle de la canne à sucre et des autres Graminées sucrières dans l’alimentation humaine.Caractères botaniquesLa structure très particulière de l’épillet (fig. 1), qui est ici la véritable unité florale, ainsi que celles du chaume et de l’épiderme caractérisent la famille des Graminées. Les tiges aériennes, annuelles ou vivaces, sont des chaumes , formés d’entre-nœuds à croissance basale et à déboîtement télescopique (fig. 2); ceux-ci portent des feuilles alternes, distiques, composées d’une longue gaine fendue et d’un limbe rubané, à nervures parallèles. Leurs épidermes, hautement différenciés, comportent des cellules siliceuses, subéreuses, exodermiques (aiguillons, poils), dont les formes et les dispositions sont spécifiques (fig. 3); elles expliquent les propriétés abrasive et coupante de ces plantes. Les tiges souterraines (rhizomes) sont aussi constituées d’entre-nœuds, mais elles portent des écailles au lieu de feuilles.L’inflorescence, généralement terminale, est formée d’épillets sessiles (épis du blé, du seigle...) ou longuement pédonculés (panicules de l’avoine, de la flouve...). Chaque épillet groupe plusieurs fleurs; celles-ci sont en général hermaphrodites et protégées par des bractées scarieuses: les glumes et glumelles, parfois munies d’arêtes. Leur périanthe proprement dit est réduit (lodicules) ou nul. Elles possèdent très souvent trois étamines, un ovaire libre uniloculaire pourvu de deux stigmates plumeux et contenant un seul ovule renversé (anatrope). La pollinisation s’effectue par le vent (anémophilie), favorisée en cela par les anthères pendantes.Le fruit sec, indéhiscent, est un caryopse, dont le type est le grain de blé [cf. GRAINE]. Les glumes et glumelles peuvent rester adhérentes et constituer la «balle». Le caryopse comporte un albumen farineux entouré d’une assise à aleurone, le gluten, et un embryon réduit, latéral, dont le cotylédon unique est en forme de bouclier (le scutellum ). À la germination, la première feuille forme un étui, le coléoptile, entourant le bourgeon.Classification et biologieLes Graminées constituent sur d’immenses étendues des peuplements homogènes: prairies des régions tempérées et froides, steppes des régions sèches, savanes, jungles à bambous des régions tropicales, marais à roseaux, etc. Leur existence a été la condition préalable de l’extension des Mammifères herbivores et granivores (marquant le début du Tertiaire), des Oiseaux granivores, des Insectes phytophages, aux dépens desquels ont prospéré les Mammifères carnivores et insectivores, les Oiseaux rapaces, les Insectes carnassiers ou parasites, etc.Les Graminées comprennent plus de 7 000 espèces décrites, groupées en 600 genres et 6 sous-familles: Festucoïdées, Panicoïdées, Chloridoïdées, Bambusoïdées, Oryzoïdées, Phragmitiformes (classification présentée au IXe Congrès international de botanique, Montréal, 1959).Tandis que les plus anciennes classifications (jusqu’à 1900) étaient très différentes les unes des autres, parce que fondées uniquement sur des critères morphologiques, souvent subjectifs, les plus récentes (depuis 1950) tendent, au contraire, à converger vers une interprétation commune de la structure de la famille, en s’appuyant non seulement sur la morphologie, mais sur des caractères anatomiques, histologiques, cytologiques, biochimiques, etc. C’est la synthèse de ces conceptions qui a été prise comme référence pour la classification simplifiée exposée ici.Les FestucoïdéesParmi les Graminées, la sous-famille des Festucoïdées est la plus familière, car elle comprend d’une part les herbes des prairies s’étendant dans les régions tempérées et froides, et d’autre part les principales céréales cultivées par les races blanches: blé, orge, seigle, avoine. Elle compte 85 genres et 1 800 espèces et se distingue par toute une série de caractères (fig. 3) soit morphologiques (épillets comprimés latéralement, articulés au-dessus des glumes, plantules à première feuille longue, étroite et dressée), soit histologiques (épidermes comportant des cellules siliceuses de formes simples: arrondies ou allongées, et dépourvus de poils bi- ou pluricellulaires), etc. Elle se divise en plusieurs tribus: Festucées, avec 700 espèces et 40 genres, dont Festuca , Poa , Lolium , herbes communes des prairies et gazons; Hordées, dont l’inflorescence est un épi, avec 2 000 espèces et 11 genres, dont le blé (Triticum ), l’orge (Hordeum ), le seigle (Secale ); Avenées, avec l’avoine (Avena ); Agrostidées, avec Agrostis ; Stipées, avec Stipa , herbes xérophiles des steppes à la lisière nord des déserts.Les PanicoïdéesSurtout présente dans les régions chaudes, la sous-famille des Panicoïdées constitue, avec les Chloridoïdées, une grande partie des herbes des savanes tropicales et des steppes situées à la lisière sud des déserts de l’hémisphère boréal. Elle compte 2 500 espèces, groupées en 130 genres, et se distingue des Festucoïdées par des caractères morphologiques (épillets articulés au-dessous des glumes, plantule à première feuille large, déjetée vers l’extérieur), histologiques (poils bicellulaires allongés, cellules siliceuses en haltères ou en croix) et anatomiques (tissu chlorophyllien disposé radialement autour des nervures foliaires; fig. 3). Elle comprend la grande tribu des Panicées, riche de 1 300 espèces réparties en 40 genres, dont Panicum , Setaria , Pennisetum fournissent des espèces cultivées en Afrique pour l’alimentation (millets, au sens large). La tribu des Andropogonées (60 genres, 1 000 espèces) se distingue de la précédente par ses fleurs généralement unisexuées (les unes seulement mâles, d’autres femelles) et une tendance plus xérophile; elle comprend plusieurs espèces utiles à l’homme: les sorghos (Sorghum ), la canne à sucre (Saccharum ) dont la tige est riche en saccharose. La tribu des Maydées, beaucoup plus petite (7 genres et 24 espèces seulement), joue néanmoins un grand rôle économique, puisque le genre Zea (le maïs) forme la base de l’alimentation de nombreuses populations des deux Amériques.Les ChloridoïdéesCette sous-famille possède à peu près la même distribution que celle des Panicoïdées; elle s’en distingue par certains caractères histologiques (poils bicellulaires arrondis, cellules siliceuses en double hache ou en croissant, fig. 3) et comprend 80 genres et 900 espèces. Certaines (genre Spartina ) sont des herbes marines, supportant le contact de l’eau salée et formant le «schorre», émergé à marée basse, sur les littoraux atlantiques, américain et européen.Les BambusoïdéesCe groupe (42 genres, 520 espèces) comprend les géants de la famille des Graminées: les bambous. Leur chaume, ligneux et persistant, peut atteindre quarante mètres de hauteur (Gigantochloa ) et cinquante centimètres de diamètre. Ils prospèrent surtout dans les régions tropicales humides, où ils forment des «jungles». La floraison n’a lieu qu’au bout de trente ou quarante ans, sur des rameaux latéraux et, en général, à ce moment, le chaume meurt. La fleur des bambous offre des caractères primitifs (souvent 6 étamines, 3 stigmates). Leur fruit peut être une baie charnue (Melocanna ), au lieu d’un caryopse comme chez les autres Graminales. Certaines espèces résistent au froid: on en trouve jusqu’à 3 000 mètres dans l’Himalaya (Cephalostachyum ) et 5 500 mètres dans les Andes (Chusquea ). Plusieurs espèces peuvent être cultivées dans le sud de la France (Bambusa , Phyllostachys ) et donner lieu à des utilisations industrielles (cannes à pêche, clôtures, meubles, antennes radio, matériel de camping, etc.).Les OryzoïdéesCe petit groupe (23 genres, 120 espèces) est très important, car il comprend le riz (Oryza ). Ses plantules résistent à la submersion et sa culture doit être faite dans l’eau. Il constitue la base de l’alimentation de plus d’un milliard d’hommes en Asie, en Insulinde, à Madagascar. En Europe, on le cultive en Italie (Piémont) et en France méridionale (Camargue). La Zizania , ou «riz sauvage», est une Oryzée utilisée depuis la préhistoire par certaines tribus indiennes du Canada, tantôt par simple cueillette, tantôt par culture, toujours dans des marais. Les Oryzées possèdent souvent certains caractères primitifs (6 étamines).Les PhragmitiformesOn range dans ce groupe hétérogène un certain nombre de Graminées (28 genres, 430 espèces) à caractères primitifs, comprenant notamment les «roseaux»: canne de Provence (Arundo ), roseau des étangs (Phragmites ), plumes des pampas (Gynerium , Cortaderia ). Certaines espèces sont utilisées à des fins industrielles: fabrication de sparterie (sparte: Lygeum ; diss: Ampelodesmos ), de pâte à papier, de «canisses».PhylogénieLes Graminées se sont différenciées au Crétacé, il y a cent millions d’années, à partir des Monocotylédones primitives. Elles appartiennent, avec les Cypéracées, à l’ordre des Glumiflores, classe des Monocotylédones. La figure 4 donne une idée d’ensemble des sous-familles et des tribus composant les Graminales. Dans ce schéma, les groupes les plus évolués sont placés à la périphérie, les plus primitifs près du type ancestral hypothétique, X, de la famille. Le mécanisme de l’évolution est traité par ailleurs (cf. FLEUR, VÉGÉTAL). Notons ici que les controverses du XIXe siècle à ce sujet sont actuellement dépassées, et que l’on considère de plus en plus que l’évolution des espèces (phylogénie) est, comme le développement des individus (ontogénie), régi à la fois par des transformations à mécanisme interne (vieillissement et différenciation de la matière vivante) et des conditions externes (influence du milieu).
Encyclopédie Universelle. 2012.